Par Charles Saulnier, Directeur, Analytique des données
Cet article est le 3e d’une série de billets reprenant des extraits de l’entrevue entre Cole Nussbaumer Knaflic, auteure du livre Storytelling with Data : Let’s Practice et Charles Saulnier, directeur, Analytique de données chez Larochelle. L’entrevue a eu lieu le 31 octobre dernier, peu après la sortie de ce livre et tout juste avant la conférence sur le prototypage et storyboarding à basse fidélité que Cole a animé à Tableau Conference 2019.
Dans l’extrait précédent, Cole et Charles ont échangé sur l’émergence de communicateurs de données (data storytellers) et l’art de cibler son auditoire.
Dans cet extrait, nous abordons cette fois les défis auxquels nous pouvons être confrontés lorsque l’on veut chiffrer la valeur que la visualisation efficace peut apporter aux entreprises.
CS : Iriez-vous jusqu’à dire qu’il s’agit du chaînon manquant qui permettrait de prouver aux entreprises et décideurs que l’analyse de données est payante? Puisqu’ils ne pensent souvent qu’en termes de retour sur investissement quantifiable …
CNK : Ce retour sur investissement est toujours difficile à mesurer. Il est rare qu’une visualisation mène immédiatement à une action quantifiable : les ventes ont augmenté de X% par exemple. À mon avis, le test d’efficacité devrait être : si une action était requise suite à votre analyse, est-ce qu’elle a été prise ? Une conversation qui devait avoir lieu? Une décision à prendre ? Est-ce que la tournure aurait été autre sans votre intervention ?
Ce qui rend le tout difficile à mesurer, c’est que la réponse est souvent nuancée. Il faut alors évaluer à quel point votre travail rend les données utiles et utilisées.
CS : J’avais un échange plus tôt cette semaine avec un autre membre de la Data Visualization Society, Francis Gagnon, qui évolue davantage du côté design de la communication par les données – vs l’aspect technique. Il m’expliquait que la plupart de ses partenaires d’affaires l’approchent lorsqu’ils se trouvent face à des situations de « ça passe ou ça casse ». « Si je ne vends pas mon idée, on risque de perdre ce client », par exemple. Nos conseils comme designers sont souvent mieux accueillis dans de tels cas, puisque les gens paient pour qu’on les sorte du pétrin en un temps X.
Nous ne nous trouvons malheureusement pas toujours dans un tel contexte. Comment convaincriez-vous un décideur qu’un investissement de temps et de ressources en communication par les données serait rentable?
CNK : Vous voulez-dire, comment vendre le fait qu’il est payant de prendre le temps requis pour développer la partie « histoire » en visualisation? D’abord, il faut savoir que cela ne veut pas nécessairement dire de recommencer à zéro : par exemple, lorsqu’on fait évoluer un rapport. Une approche consiste à prendre le rapport tel quel, à passer à travers. Peu importe le type de rapport, c’est un outil pour présenter les données et voir si tout se passe comme prévu, où il y a place à amélioration ou intervention. On ne peut pas toujours en faire une histoire. Parfois la seule histoire c’est : tout se passe comme prévu.
C’est lorsque ce n’est pas le cas que c’est le meilleur moment de monter son dossier et d’utiliser ce que l’on enseigne dans les ateliers pour toucher l’auditoire, attirer leur attention, leur dire : on peut continuer de faire les choses comme on le fait présentement, et voici ce qui risque de se passer. Ou, nous pourrions nous servir de l’analyse que nous avons faite, qui indique que nous devrions attaquer les éléments suivants afin de dépasser nos compétiteurs. C’est à ce moment que vos aptitudes de conteur entrent en jeu. Et à mesure que vous arrivez à le faire, vous allez bâtir votre confiance en vos aptitudes, et votre crédibilité auprès de vos partenaires. Ils sauront que vous vous concentrez sur les éléments importants, ce qui vous permettra de les amener vers des discussions sur l’histoire plutôt que sur les détails.
Il s’agit pour moi d’une des choses les plus fascinantes qui se produisent lorsque l’on communique efficacement avec les données : la conversation bifurque. Elle ne porte plus sur le graphique ou ce qu’il signifie, ou sur des demandes d’accéder à plus de données! Cela devient plutôt : que signifient ces résultats, et comment pouvons-nous les utiliser pour notre entreprise? C’est un moment magique! Ce n’est jamais facile, il faut du temps, et cela peut facilement avoir l’air d’une montagne à franchir. Commencez par de petites victoires, avec des sujets simples : des items pour lesquels personne n’ira crier sur les toits s’ils changent, et partez de là. Cela vous permettra de générer un momentum et la crédibilité pour mener des changements plus significatifs au final.
Pour lire l’entrevue complète de Charles Saulnier avec Cole Nussbaumer Knaflic, visitez ce lien.