Par Nicolas Ternisien, Conseiller, Analytique des données
L’intelligence d’affaires (BI), les data sciences, Big Data et autres … Tant de termes à la mode qui fusent dans les milieux d’affaires, mais décrivent la même réalité : les données à la disposition d’une entreprise constituent un actif dont il convient d’extraire toute la valeur.
Rien de nouveau pour les professionnels du milieu qui, selon une étude Gartner, mettent la démonstration de la valeur des actifs informationnels au sommet de leurs listes de priorité et passent pas moins de 45 % de leur temps à leur trouver des nouveaux débouchés (Judah, 2018)[1]. Toutefois, avant même d’essayer de trouver d’autres débouchés à l’aide de nouvelles techniques et technologies, ne perdons pas de vue qu’il reste encore à tirer pleinement partie de la valeur des données en s’assurant que l’entreprise au complet partage une vision data-oriented et utilise ses infrastructures existantes. Il s’agit d’un principe de bon sens, mais cela demeure un réel enjeu comme le démontre une autre étude publiée par Gartner dévoilant que, bien que l’exploitation des données fasse partie des préoccupations centrales des entreprises, les taux d’adoption de l’intelligence d’affaires et de l’analytique demeurent faibles, ne concernant en moyenne que 30 % de tous les employés des organisations sondées (Howson et Sallam, 2017)[2]. Quand bien même ce taux est peu élevé, il est en constante augmentation (7 % par rapport au dernier sondage de la sorte ayant été mené 10 ans plus tôt). Cette augmentation s’explique par la combinaison d’outils d’intelligence d’affaires et d’analytiques traditionnels, ainsi que d’autres, plus modernes (Howson et Sallam, 2017). Par ailleurs, une autre étude Gartner met de l’avant que l’intelligence d’affaires actuelle qui demeure axée sur une approche traditionnelle ne répond pas aux attentes des utilisateurs et ne rapporte pas les bénéfices attendus (Tapadinhas, 2017). Ce faisant, les utilisateurs perdent confiance et se détournent des initiatives analytiques (Tapadinhas, 2017).
Ainsi, si l’objectif est d’accroître la valeur des données dans l’entreprise, nous devons alors nous assurer que toute l’organisation adopte une culture de la donnée, car plus l’intelligence d’affaires se répand dans une organisation, plus grand sera son impact (Howson et Sallam, 2017). Étendre la portée du BI et le mettre au service du plus grand nombre tant au niveau stratégique, que tactique, qu’opérationnel d’une entreprise représente donc un enjeu de taille.
Débrider la donnée afin de la rendre accessible au plus grand nombre amène cependant tout son lot de défi : comment s’assurer de le faire de manière cohérente et simple au travers de l’entreprise? Comment convenir aux spécificités des différents utilisateurs? Nous tenterons d’apporter des éléments de réponse à ces questions sachant qu’il n’existe pas de réponse universelle tant les réalités des entreprises diffèrent et qu’il convient de toujours s’adapter à la réalité d’une entreprise.
Répandre le BI de manière cohérente et simple
Lorsque vient le moment de répandre l’intelligence d’affaires dans l’organisation afin de la rendre accessible au plus grand, bien qu’il existe autant de manières de le faire qu’il existe d’entreprise, nous devons tout de même garder à cœur de favoriser la facilité d’utilisation. En effet, une étude Gartner suggère que plus une solution d’intelligence d’affaires est facile à utiliser, plus les utilisateurs s’en servent (Howson et Sallam, 2017). Il convient alors de trouver les moyens les plus simples de créer, de gérer, de consommer, de partager du contenu et d’interagir avec ce dernier (Howson et Sallam, 2017). Aussi évident et pieux cela peut paraître, il n’est pas toujours évident d’atteindre ces objectifs avec les outils d’analyse traditionnels d’une entreprise tel que Excel par exemple, car tout le monde ne détient pas forcément les compétences techniques nécessaires à son exploitation. De plus, partager des rapports et des volumes de données au travers d’Excel pourrait rapidement devenir chaotique tant il est impossible de s’assurer que les utilisateurs utilisent la donnée convenablement et aient toujours accès à la donnée la plus récente. Mais encore, si ces mêmes utilisateurs doivent attendre que leur soient acheminés des rapports répondant seulement à un besoin précis sous format Excel, il y a un risque de créer un important goulot d’étranglement à même d’encourager les utilisateurs à prendre des décisions selon leur appréciation d’une situation au détriment de l’utilisation des données. Une entreprise pourrait alors se retrouver dans une impasse où les consommateurs de données sont découragés d’attendre les données dont ils ont besoin, où leurs analyses se contredisent et qui décident simplement de ne pas l’utiliser : tant d’efforts pour rien.
Par conséquent, il y a un grand intérêt à mettre les utilisateurs au contact même de la donnée au travers d’environnements de données consolidés et cohérents par rapport aux besoins d’affaires par le biais d’outils comme Power BI ou Tableau. En plus de leur permettre des gains de temps et d’efficacité, cette approche leur offre l’occasion de répondre à leurs interrogations au moment où ils en ont, raccourcissant ainsi drastiquement la durée entre l’apparition d’un besoin d’information et le moment où l’information. Ce faisant, cette approche vise à terme à enraciner une culture de la donnée en accroissant l’appétit envers les données des utilisateurs.
Donc, il convient de choisir une solution ayant du sens pour les utilisateurs finaux, faciles d’utilisation au sein d’un environnement de données cohérent dont la donnée demeure la plus à jour possible et d’une qualité irréprochable.
Combiner outils traditionnels et de nouvelle génération
Le point de cet article n’est pas pour autant de faire la critique d’Excel en particulier, mais de montrer qu’il existe un potentiel de complémentarité entre des outils « traditionnels » tels qu’Excel et des outils de « nouvelle génération » tels que Power BI et Tableau. En effet, selon les besoins des utilisateurs et leurs habiletés un Excel peut tout à fait convenir, mais il serait judicieux de laisser aux utilisateurs plus qu’une option d’autant plus que d’autres outils proposent des fonctionnalités indispensables pour rendre les données accessibles au plus grand nombre.
Par exemple, l’un des défis qui émerge le plus souvent en élargissant l’accès aux données est le fait de se confronter à différentes visions quant à l’application des règles d’affaires propres aux processus d’une entreprise. En conséquence, chacun pourrait être tenté d’interpréter la réalité de l’entreprise à sa façon en entretenant son bon vieux fichier Excel, créant de facto des conflits entre les utilisateurs et mettant en doute la qualité des données. Il est alors avantageux d’offrir une seule version de la vérité au sein d’un « bac à sable » de données cadrant avec les usages récurrents et ponctuels d’un utilisateur et dont les mesures nécessitant une interprétation particulière lui sont déjà offertes.
De plus, ces nouveaux outils ont pour avantage d’être beaucoup plus polyvalents. En effet, les utilisateurs peuvent avoir accès aux données aussi bien depuis leurs ordinateurs, que sur le web, que sur les cellulaires et tablettes. Les données accompagnent donc plus facilement les utilisateurs, peu importe quand, peu importe où. Ils apportent également une réponse efficace au besoin de mettre à jour les rapports en faisant disparaître la notion de versionnage et les erreurs que cela entraîne. Effectivement, pour un même rapport, la plupart du temps, il ne s’agit que d’appuyer sur un bouton « rafraîchir », et c’est tout.
Au-delà de tous les avantages que proposent ces outils, il faut quand même prendre en compte qu’amener des nouvelles pratiques au sein d’une entreprise est toujours un pari risqué : les utilisateurs peuvent ne pas comprendre l’avantage de changer leurs habitudes. D’autres pourraient également avoir le sentiment de perdre le contrôle sur leurs données en leur retirant le chiffrier qu’ils ont développé eux-mêmes et entretenu des années durant. Comme le souligne ici Gartner, il faut contourner à tout prix les sources d’insatisfaction qui ont le potentiel de « désengager » les utilisateurs et de rendre toute initiative d’intelligence d’affaires inutile (Tapadinhas, 2017)[3]. L’une des manières de contourner cet écueil est de mettre l’utilisateur d’affaires au cœur des initiatives de modernisation des outils analytiques, de l’impliquer à chaque étape du processus de réalisation et de livrer des morceaux de solution petit à petit afin que ce dernier ait le temps de s’habituer et de comprendre les transformations. Comme le souligne Tapadinhas, les organisations ont besoin de solutions innovantes répondant aux attentes des utilisateurs, mais, avant tout, il est indispensable de créer un environnement de confiance autour de ces initiatives (Tapadinhas, 2017).
Pas de « taille unique »
Toutefois, comme il l’a été suggéré plus haut, aucune solution universelle ou de « taille unique » n’existe. Il convient alors de s’intéresser au contexte de chaque entreprise, aux besoins et aux façons de travailler de chaque groupe d’utilisateur afin de leur arriver avec une solution qui a du sens pour eux. Parfois simplement Tableau ou Power BI ou Excel ou un autre outil suffira, parfois ce pourrait être tous ces outils en même temps. Tout dépend des besoins en information et des utilisateurs.
[1] Saul Judah (2018). Data and Analytics Programs Primer for 2018. Gartner.
[2] Cindi Howson, Rita L. Sallam (2017). Survey Analysis : Why BI and Analytics Adoption Remains Low and How to Expand Its Reach. Gartner.
[3] Tapadinhas Joao (2017). Five Steps to Control Disengagement, Gain User Trust and Modernize BI and Analytics. Gartner.